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28 décembre 2019 6 28 /12 /décembre /2019 00:59
Les chemins

Retour de l'âne vers la forme humaine de Lucius. Miniature d'un manuscrit de 1345 des Métamorphoses de Lucius Apulée

 

Il est de ces chemins que l'on ne prend jamais.
Des chemins si ténus que pas même un baudet1,
aussi têtu qu'il soit, n'y mettrait ses sabots.
Tel ce chemin de lune voguant sur les eaux.

 

Certains parcourent nos tables sous nos couverts
étalant leurs dentelles et leurs broderies
de coton ou de soie à l'heure des desserts
des repas familiaux, quand les enfants s'ennuient.

 

Il est de ces chemins qui ne mènent à rien.
Tous ces chemins de vie qui n'ont plus aucun sens
ou ces chemins de ronde usant la vigilance
de guetteurs abrutis par tant de tours en vain.

 

Certains trop meurtriers sont de triste mémoire.
Tel celui des dames2 où, avant les poilus3,
par milliers au combat, les "Marie-Louise"4 ont chu
pour servir la cause d'une funeste gloire.

 

Il est de ces chemins que l'on n'ose emprunter.
Le chemin de traverse est de ce type là,
car on craint de s'y perdre ou de trop s'y trouver
et on peine alors à faire le premier pas.

 

C'est en effet l'inverse d'un chemin royal,
rien n'y est balisé tout nous paraît fatal.
Mais si nous choisissons ce chemin hasardeux,
enfin il se pourrait que nous marchions heureux.


de Jean-Luc Aotret

 

1- nom populaire de l'âne
2- Adélaïde et Victoire filles du roi Louis XV
3- surnom des soldats de la guerre 14-18
4- surnom des conscrits de la classe 1814

 

 

 

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31 octobre 2018 3 31 /10 /octobre /2018 00:08
La nuit

les vapeurs de la nuit de Yan' Dargent (1896 musée des beaux arts de Quimper), cliquez sur les liens

 

C'est bientôt une ronde un sabbat pour Musset1,
une danse macabre embrassant un amant
qui veut chanter au vent de la nuit son divan,
alors que tout autour le silence est parfait.

 

Voilà, dans ce sombre silence, qu'elle va
faire un pas encore, la nuit des moires sombres2,
quand d'obscures choses se réveillent dans l'ombre
où tout être vivant sent que l'Esprit est là.

 

Ce pas de vent de loup de fougère et de menthe3
que la nuit fait déjà, c'est un pas de bergère,
aveugle sans moutons, filant des lucernaires
de ses constellations et étoiles filantes.

 

Grand cœur en qui tout rêve et tout désir pénètre4,
accueillant les sommeils des bêtes et des gens,
la nuit fait s'ouvrir l'âme où la noie dans l'étang,
sous son oeil de lune qui vient d'apparaître.

 

Cet oeil qui éclaire tel les yeux des hiboux
les champs du firmament ombragés par la nuit5
où paissent des astres qui ruminent sans bruit,
comptant le temps des hommes sages comme fous.

 

En ce grave moment nos âmes se recueillent 6,
car pendant que le voleur reprend sa besogne
la sombre nuit aux tempes du malade cogne
lui signifiant son heure et de sa vie le deuil.

 

de Jean-Luc Aotret

 

1- "La nuit" in poésies posthumes d’Alfred de Musset (1810-1857)
2- "Nuit" in toute la lyre de Victor Hugo (1802-1885)
3- "La nuit" in poésies de Claude Roy (1915-1997)
4- "A la nuit" in le cœur innombrable d’Anna de Noailles (1876-1933)
5- "hymne de la nuit" in harmonies poétiques et religieuses d’Alphonse de Lamartine (1790-1869)
6- "le crépuscule du soir" in les fleurs du mal de Charles Baudelaire (1821-1867)

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27 octobre 2018 6 27 /10 /octobre /2018 00:07
Lumières

Effets d'automne à Argenteuil de Claude Monet

 

De quelle lumière nous parle le vieux Goethe ?
Celle que Louise1 désirerait voir percer
le voile de Thanatos et contrer les meutes
obscurantistes perdant notre humanité ?

 

A moins que ce ne soit la mère des visions,
salut de ses regards, qu'Anatole2 salue
et qui fleurit la mer profonde aux nageurs blond,
douce conseillère qui éclaire les nues.

 

Un soleil palissant d'automne aux pieds d'Alphonse3,
le dernier sourire à l'horizon de sa vie,
une larme au tombeau, une coupe de vie,
un retour de bonheur qui s'accrochent aux ronces.

 

La toilette d'un écureuil sur la bruyère,
le vent qui balance la feuille de Carême4,
un écureuil qui du chêne sans cesse sème
des éclats dorés de feuilles dans la clairière.

 

Et il neige l'or de François5 dans l'air tout rose,
à travers la brume du matin automnal.
Des branches dépouillées, la clarté blonde arrose
une douce nature aux teintes sépulcrales.

 

Elle reflète sur les ailes des oiseaux
une tendre rousseur, une braise qui luit
dans un lambeau de vent qu'arrache Mambrino6
de sa plume : une flamme qui nous éblouit !

 

de Jean-Luc Aotret

 

1- Louise Ackermann : De la Lumière !
2- Anatole France : A la lumière
3- Alphonse de Lamartine : L'automne
4- Maurice Carême : L’écureuil et la feuille
5- François Coppée : Matin d’octobre
6- Jean Mambrino : L'automne

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29 juin 2018 5 29 /06 /juin /2018 00:27
Les toits

Toits de Prague depuis Malá Strana, photo Jalm, cliquez sur les liens


Nous entendons la pluie1 sur leurs tuiles maussades.
Sous leurs poutres fanées, les soucis, les regrets2,
nous tourmentent3 encor nous prenant dans les rets
de notre bohème, ramendés d'escapades.

 

Le vent berce les arbres par-dessus1 leurs faîtes
au rythme du chant des oiseaux dans les feuillages.
Riant dans leurs chéneaux l'averse fait la fête
descendant la gouttière4 après tout son tapage.

 

Le chat déambule sur leurs mansardes5 bleues6,
ignorant quelques piafs becquetant tout heureux,
pour se glisser discret dessous le lanterneau
et gagner nonchalant un logis bien au chaud.

 

C'est par leurs lucarnes4 que nous voyons Orion
fuyant désespéré, traqué par le scorpion,
dans un ciel où Sélène, compromise, éclaire,
escaladant leurs croupes, quelques monte-en-l'air.

 

Les souches des cheminées7 jalonnent leurs pentes
où le petit ramoneur guide sa bergère
le long des noues qui s'inclinent telles des sentes
grimpant les collines que les combles suggèrent.

 

Blottie dans leurs greniers8 la dame blanche sait
que rien ne vaut mieux qu'une solide charpente,
et s'endort au son d'une girouette9 grinçante
contente d'être sous les toits que l'homme a fait.

 

de Jean-Luc Aotret

 

1- Paul Verlaine "Il pleure dans mon coeur" et "Le ciel est, par-dessus le toit"
2- Anna de Noailles "poème de l'amour"
3- Voltaire "le désastre de Lisbonne"
4- Pierre Reverdy "les ardoises du toit" et "Aux premières lueurs  du jour"
5- Théophile Gautier "la mansarde"
6- Alfred de Musset "Namouna"
7- Joachim Du Bellay "Heureux qui comme Ulysse"
8- Jean de La Fontaine "la belette entrée dans un grenier"
9- Robert Desnos "la girafe"

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5 juin 2018 2 05 /06 /juin /2018 00:53
La bohème

 

Elle a pour ancêtres des nomades boïens.
Natif de Tchéquie, son père est un cigain.
Sous le roi soleil, Gédéon1 écrit son nom
qui parcourt l'Europe jusqu'au septentrion.

 

Son prince, lui vient d'un des récits d'Honoré2
qui prend sa place dans la comédie humaine.
Puis, Henry3, dans son roman, l'a fait habiter,
rue des canettes, des mansardes parisiennes.

 

C'est là, qu'Arthur4 va mettre un pied près de son coeur
et que Paul5 écoute son pleur telle la pluie.
Giacomo6, lui, fera en sorte que sa vie
soit revêtue de musique et chante à toute heure.

 

Chez Hermann7, elle s'habille en Hermine pour
mieux conduire Harry au théâtre magique.
Avec Jack8, elle prend une route beatnik
allant d'est en ouest par révolte ou par amour.

 

Charles9 la chante sur les hauteurs de Paname,
amante d'un peintre nostalgique et sans gloire.
Pour Philip10, elle sera cette étrange femme
au regard d'une autre dont elle a la mémoire.

 

Elle est la solitude d'un pauvre métèque
la liberté d'un juif errant, d'un pâtre grec,
la compagne d'un vagabond d'Alexandrie.
Elle est, de Giuseppe11, toute sa poésie.

 

Jean-Luc Autret

 

1- Gédéon Tallemant des Réaux, Historiettes 1659
2- Honoré de Balzac, Les Faintaises de Claudine 1840
3- Henry de Murger, Scènes de la vie de bohème 1848
4- Arthur Rimbaud, Ma bohème in Poésies 1870
5- Paul Verlaine, Il pleure dans mon coeur in Romances sans paroles 1874
6- Giacomo Puccini, La bohème opéra de 1896
7- Hermann Hesse, Le Loup des steppes 1927
8- Jack Kerouac, Sur la route 1957
9- Charles Aznavour, La bohème 1965
10- Philip K. Dick, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? 1966
11- Giuseppe Mustacchi, Le métèque 1969

 

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30 juin 2017 5 30 /06 /juin /2017 00:24
Empreintes

Juliette Drouet en princesse Negroni par Charles-Emile-Callande de Champmartin 1827, cliquez sur les liens

 

Empreintes de dentelle qui font surgir du
textile un texte, trame empruntée au réseau
des fils d'Arachné emprisonnant le héro
dans son exil, un linceul sur ce qui n'est plus.

 

Empreintes de monnaie comme de ces médailles
que l'on garde en souvenir des chers disparus.
Réconfort, alors qu'il faut encor qu'il s'en aille
d'une île à une autre île où quinze ans il vécut.

 

Empreintes de fougère, arbre calligraphié
rameau par rameau, feuille à feuille, détaillé
par un Micromégas, sur son coin de gazon,
regardant le ver de terre comme un python.

 

Empreintes de fond de bouteille qu'il a bue,
se consolant de la mort trop tôt survenue
d'un être chéri qu'un vent mauvais emporta,
invisible aux yeux du monde mais toujours là.

 

Empreintes de doigts, telles celles d'un proscrit,
sur la fiche anthropométrique du migrant
devant quitter les siens pour une autre patrie
ou pour rejoindre celle qu'il aime au Ponant.

 

Empreintes qu'Hugo va laisser, au Grand Monarque
de Brest, sur la revue soixante d'an amzer
comme une invitation à regarder la mer
avec l'oeil du poète qui toujours embarque.

 

de Jean-Luc Aotret

 

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2 juillet 2016 6 02 /07 /juillet /2016 16:28
Délire ou folie ?

le roi et l'oiseau film de Paul Grimault et Jacques Prévert, cliquez sur les liens

 

La Folie du sage tant Aimé de son temps
nous prend à contre pied des vers d'un
Prévert quand
la sagesse du fou nous amène à revers
du délire d'un roi par une verve aviaire.

 

La folie d'Ophélie est-elle encor la sienne ?
Nourrie du poison des cupidités agraires,
sa verdoyante chevelure de sirène
asphyxie peu à peu tous les lits des rivières.

 

La folie d'un Don Quichotte, fieffé bretteur,
pourrait-elle donc nous aider à discerner
les moulins à vent de nos bonnes sociétés,
beaux parleurs et autres prêcheurs ?

 

La Folie faite guide d'un aveugle Amour,
alors que ce dernier peut voir avec son coeur,
ne serait-ce pas là l'acquis d'un bras vengeur
plutôt que la sentence d'une noble cour ?

 

La folie d'Arachné de défier Athéna
aurait-elle pour but d'amorcer la
raison
pour mieux nous contraindre par la Tarentella
à délier nos cerveaux de son terrible don ?

 

La folie du poète s'entend à la rime,
j'en conviens, mais c'est écrite qu'elle s'estime
et se retient. Dessous ses oripeaux de prose,
se cache une rime qui jamais ne s'impose.

 

de Jean-Luc Aotret

 

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3 juillet 2015 5 03 /07 /juillet /2015 16:21
Contrastes

Prose du transsibérien et de la petit Jeanne de France par Sonia Delaunay et Blaise Cendrars musée de Beaubourg photo Jalm, cliquez sur les liens

 

Freddy renaît tel un phénix de ses cendres,
manchot mais adroit d'une gauche qui se lave,
dans l'essuie-main du ciel
1 où les oiseaux se gavent.
Le vin bourru est bu, les massues sont à prendre.

 

La braise est encor chaude aux ailes des abeilles,
quand la moisson de miel précède le cresson.
Sa droite disparait dans le giron d'Orion
2,
après que dans la chambre soient gâchées les merveilles
1.

 

Aux comptoirs des bistros1, il lève un coude fier.
Entre vin rouge1 et bleus s'insinue la lumière.
Des pâques newyorkaises
3 naît l'homme nouveau,
et Jehanne
4 entend la folie sonner le grelot.

 

La colombe se niche chez les boutiquiers1.
Les calicots
1 affichent des vers sibériens
et les contrastes
1 sont des lois simultanées
où les couleurs
1 se lovent comme des sauriens.

 

C'est l'or de Cimabue1 qui enflamme le ciel
sur une Seine butinée de bateaux mouches
1.
Dans les fumées d'usine les hommes se mouchent,
charlots des temps modernes trompés par le sel.

 

Le suisse brésilien s'en va voir les étoiles
sous une voie lactée le couvrant de son voile.
La brume du chariot
5 fait pendant à la croix,
sous les arbres des Batignolles on y croit...

 

de Jean-Luc Aotret

 

1- Contrastes, dix-neuf poèmes élastiques Blaise Cendrars, Au sans pareil 1919
2- Orion, nuits étoilées, Le Formose Blaise Cendrars, Au sans pareil 1924
3- Les pâques à New-York, Du monde entier Blaise Cendrars, Gallimard 1919
4- La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France Blaise Cendrars et Sonia Delaunay, les hommes nouveaux 1913

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L'univers d'An Amzer

 

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