Voici 6 auteurs dont l'année de naissance se termine par 6 :
Je disais l'autre jour...
Je disais l'autre jour ma peine et ma tristesse
Sur le bord sablonneux d'un ruisseau dont le cours
Murmurant s'accordait au langoureux discours
Que je faisais assis proche de ma maîtresse.
L'occasion lui fit trouver une finesse :
Silvandre, me dit-elle, objet de mes amours,
Afin de t'assurer que j'aimerai toujours,
Ma main dessus cette eau t'en signe la promesse.
Je crus tout aussitôt que ces divins serments,
Commençant mon bonheur, finiraient mes tourments,
Et qu'enfin je serais le plus heureux des hommes.
Mais, ô pauvre innocent, de quoi faisais-je cas ?
Étant dessus le sable elle écrivait sur l'onde,
Afin que ses serments ne l'obligeassent pas.
Pierre de MARBEUF (1596-1645)
À une dame qui lui demandait des énigmes
Je suis en même temps et de glace et de flamme,
La crainte et le désir accompagnent mes pas,
Ma peine a ses plaisirs, mon mal a ses appas
Et ma propre douleur me tient lieu de dictame.
En cet étrange état où souvent je me pâme,
J'ignore également la vie et le trépas.
Les endroits où je suis, c'est où je ne suis pas
Et j'ai du mouvement, bien que je sois sans âme.
Mon esprit de mon corps est toujours dégagé,
Un astre fait la nuit où je me vois plongé,
Un aveugle me guide, un enfant me conseille.
Je suis dans la prison et j'erre en mille lieux.
Voilà le seul énigme, adorable merveille,
Où ne pénètre point la clarté de vos yeux.
Claude MALLEVILLE (1596-1647)
Crépuscule pluvieux
À Rodolphe Darzens.
L'ennui descend sur moi comme un brouillard d'automne
Que le soir épaissit de moment en moment,
Un ennui lourd, accru mystérieusement,
Qui m'opprime de nuit épaisse et monotone.
Pourtant nul glorieux amour ne m'a blessé,
Et c'est sans regretter les heures envolées
Que je revois au loin, vagues formes voilées,
Mes souvenirs errants au jardin du passé.
Et pourtant, maintenant, dans l'horreur languissante
D'un soir de pluie et dans la lente obscurité,
Je sens mon coeur que nul amour n'a déserté
Mélancolique ainsi qu'une chambre d'absente.
Éphraïm MIKHAËL (1866-1890)
Une paisible et longue jouissance
Une paisible et longue jouissance
Fait les dégoûts et détruit la constance
Car s'attacher toujours au même bien
C'est posséder et ne sentir plus rien
Aussi, Philis, il faut être inconstante
Vous reprendrez votre premier usage
En reprenant votre premier visage
Et le retour de vos légèretés
Nous fera voir celui de vos beautés
Il faut brûler d'une flamme légère
Vive, brillante et toujours passagère
Être inconstante aussi longtemps qu'on peut
Car un temps vient que ne l'est pas qui veut.
Charles de Marguetel de SAINT-ÉVREMOND (1616-1703)
Hymne des siècles nouveaux
Notre règne est venu. L'avenir, c'est la vie.
De son chemin d'hier notre vaisseau dévie,
Ô peuples désolés,
Pour guider vers le port vos rames et vos voiles,
Il faut un autre phare, il faut d'autres étoiles
A vos cieux dépeuplés.
Ces étoiles, c'est nous ! Ce phare nous le sommes !
Nous venons apporter notre lumière aux hommes.
Nous sortons de la nuit pour leur rendre le jour,
Car toute obscurité doit enfin disparaître.
Le juge dans la loi, dans le temple le prêtre
Ne verront plus régner que le seul Dieu d'amour.
Nos flambeaux inconnus à tous les Zoroastres
Montent sur l'horizon comme de nouveaux astres,
Et déjà nous voyons
La terre prodiguer ses trésors moins avares
Et les fronts ulcérés des Jobs et des Lazares
Se couvrir de rayons. [...]
André VAN HASSELT (1806-1874)
Je change de désirs, non pas de volonté
Je change de désirs, non pas de volonté,
Je change de fortune, et non pas d'espérance,
Je change de conseil, et non pas d'assurance,
Je change de liens, non de captivité.
De mourir pour vos yeux mes désirs ont été,
Et ma fortune était en mon mal patience,
Mon conseil, de périr sous votre obéissance,
Mes liens, les rigueurs de votre cruauté.
Et maintenant je veux vivre pour vos beaux yeux,
J'espère de trouver en vous aimant mon mieux,
Assuré du loyer de mon heureux servage,
De vos perfections éternel serviteur,
En un meilleur état, je change mon malheur,
Et je change constant sans changer de courage.
Béroalde de VERVILLE (1556-1626)